AU SEIN DE LA FORET CANADIENNE - 10

Publié le par Mirélie


Dixième partie


Peck avait couru droit devant lui. Quand il avait fini par comprendre que Daïka était partie, que sa sœur tant chérie l’avait abandonné, il en était devenu comme fou. Et les autres, qui s’imaginaient que Peck était insensible et imperméable aux évènements ! Ils se trompaient carrément et se mettaient « la griffe dans l’œil jusqu’au coude » !!!

C’était tout le contraire, car Peck était d’une hypersensibilité sans borne.

Le départ de Daïka, l’absence de sa sœur, il ne pouvait les supporter et même les imaginer. Alors, il était parti comme « un lièvre » dans ses traces.

L’inconvénient était que les traces de Daïka avaient disparu sous les chutes de neige de la nuit et que son odeur avait filé, emportée par le vent glacé.

Peck courait donc au hasard du terrain et de son relief. Il n’avait pas du tout remarqué qu’en fait, il courait dans le sens de la descente, parce que c’est beaucoup plus facile et évident, et qu’il se dirigeait vers la forêt et du côté opposé où sa sœur avait fui avec Saïan.

Peck a couru toute la matinée, tout l’après midi et lorsque le soir arriva, il n’avait pas remarqué qu’il n’avait rien mangé ni bu de la journée. Le froid de la nuit devenait de plus en plus intense, aucun abri ne se présentait à lui, la couverture de neige était partout très profonde, et le pauvre jeune loup commença à trembler sur ses pattes.

En comparaison des autres loups, Peck n’avait aucun sens et aucun instinct de survie. N’importe lequel d’entre eux aurait déjà cherché un abri sous roche pour s’y blottir et se protéger du froid glacé de la nuit. Mais Peck n’avait nullement songé à cela. Il avait fallu qu’il fasse déjà noir, car en forêt il fait toujours plus noir qu’en plaine, et qu’il tremble pour qu’il se rende compte qu’il était tout à fait mal en point.

Il avançait titubant, frêle sur ses pattes fatiguées, épuisé, mort de faim et de soif. Il allait s’écrouler sur le sol d’un moment à l’autre et entrer dans un sommeil profond. Le grand sommeil du froid qui conduit à la mort !

Alors ! Devant ses yeux, une forme, une forme comme il n’en avait jamais vue auparavant ! Une masse gigantesque, une tête terrifiante, surmontée d’une parure aussi large qu’imposante. Zoltan se dressait devant le loup à bout de force et chancelant. La proie dominait le prédateur.

Peck ne connaissait pas le danger représenté par Zoltan, car il n’avait aucune conscience de ce danger là. Quant à Zoltan, il y avait bien longtemps qu’il avait appris à ne plus craindre un jeune loup solitaire. Et puis, il avait tant appris, Zoltan, il était devenu un grand sage dans le monde animalier !

Le jeune loup s’écroula dans la neige profonde. Il s’apprêtait à agoniser là. Il perdit connaissance.

Le grand élan s’approcha doucement, « à pas de loup ». Il s’immobilisa tout près du loup noir, baissa son énorme tête vers lui, et commença à lui projeter un souffle d’air tiède et bienfaisant sur le corps. Zoltan soufflait lentement mais efficacement sur le loup pour le réchauffer. Au bout de quelques instants, Peck commença à reprendre ses esprits. Il sentait à nouveau le sang circuler partout dans son corps, sa tête ne lui faisait plus aussi mal, et il put la relever. La vision lui revenait et il fit comme un sourire dans ses mimiques de loup vers son sauveur.

Alors, l’élan commença à le pousser pour le faire mettre debout. Il le poussait de ses naseaux frémissants et chauds. Il insistait. Peck trouva assez de force pour se lever et au moment où il se retrouvait sur ses quatre pattes flageolantes, Zoltan se couchât immédiatement à côté de lui en tournant la tête vers lui. Peck avait compris. L’élan voulait l’aider, il voulait que le loup grimpe sur son dos. Et, c’est ce que fit Peck. Il déposa ses deux pattes avant sur le dos de Zoltan, poussa de l’arrière train et se mit en travers du dos de l’élan.

Celui-ci se releva en prenant toutes les précautions pour ne pas faire tomber Peck et partit d’un pas tranquille. Ils parcoururent ainsi de « nombreuses foulées », et ce n’est qu’arrivé sous une grotte à l’abri de la neige que Zoltan s’arrêta. Il se baissa à nouveau doucement pour faire descendre le loup. Il se coucha sur le sol sec en invitant du regard ce dernier à se coucher contre lui.

A l’abri et au chaud, contre le grand corps de l’élan, Peck, épuisé, s’endormit.

Peck dormit très longtemps et le grand élan avait bien du mal à rester aussi longtemps immobile. En milieu de journée, quand la température s’éleva et que le corps de Peck commença à se réchauffer suffisamment, Zoltan s’éloigna pour aller se nourrir.

Il fureta dans les environs à la recherche de quelques brins de mousse ou de lichen ; il n’osait pas trop s’éloigner car il s’inquiétait pour son protégé.

Quand il revint dans la grotte, Peck dormait toujours et ce long sommeil finit par inquiéter Zoltan. Il commença à souffler sur le jeune loup jusqu’à ce que ce souffle doux et tiède lui fasse ouvrir les yeux.

Peck les ouvrit, mais ce fut tout. Il ne bougea pas d’un pouce.

Zoltan le poussa doucement du bout des naseaux, mais rien à faire, le loup semblait trop faible pour bouger. Alors, Zoltan comprit. Il s’éloigna, alla attraper une bonne quantité de neige dans sa grande bouche d’élan, et déversa cette neige devant Peck. La neige fondit et Peck se mit à boire. Zoltan recommença à plusieurs reprises son va et viens, et le loup n’arrêtait pas de boire.

Enfin, il s’arrêta et tenta de se mettre debout, les pattes de devant en premier, mais, impossible, il retomba assis par terre, et faillit perdre connaissance. Ses yeux étaient devenus vitreux, et ses paupières étaient à peine ouvertes.

A nouveau, Zoltan comprit. Il s’éloigna et, pendant assez longtemps, cette fois.

Lorsqu’il revint, c’est un gros morceau de lichen qu’il déposa devant son invité.

Peck ne fit même pas un geste en direction de la nourriture. Zoltan, pourtant, insistait, poussant le lichen contre la gueule de Peck. C’est alors que ce dernier trouva un tout petit peu d’énergie pour gronder et montrer qu’il ne mangerait jamais ce genre de nourriture. Il détourna la tête de l’autre côté, et comble de tout, pris de nausée, vomit l’eau qu’il avait précédemment ingurgité.

Zoltan était désespéré. Il se sentait si impuissant et si inutile. Il voulait sauver son nouvel ami et ne savait vraiment pas comment. Il s’éloigna donc à nouveau.

Tout en marchant dans la forêt, son cerveau d’élan travaillait à plein régime, afin de trouver une solution pour apporter de la nourriture au loup : - Du lichen, de la mousse ? J’ai essayé, mais, c’est vrai que je n’ai jamais vu de loups en manger. Ca pourrait lui donner la colique ou, peut-être même, le faire mourir. Je l’ai mis en danger et c’est entièrement de ma faute. Il faut que je réfléchisse au genre de nourriture qu’avalent les loups.

- Bon, d’abord, les loups, ça attaque et ça mange les élans, les élans faibles ou malades ou encore les jeunes qui traînent derrière, ça je le sais, j’en ai eu la preuve. Mais, je ne vais tout de même pas me découper un morceau pour le nourrir, celui-là ? Ensuite, les loups, ça mange les cerfs, les chèvres, les lièvres, les castors,……mais, moi, je peux pas apporter un tel animal à ce loup, j’ai pas les dents pour. Je suis un herbivore, moi, je suis un ruminant, pas un mangeur d’animaux. Mais, les castors ! Tiens, ça me donne une idée, ça. Les castors, ça me fait penser aux barrages, et les barrages à l’eau, l’eau des rivières ou des lacs. Je vais aller faire un tour du côté du déversoir du lac. Je crois que je tiens une bonne idée.  


Publié dans nouvelles

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E
<br /> <br /> J'aime bien ton récit et l'idée de l'élan qui aide le loup mais je ne trouve pas crédible qu'il le porte sur son dos (excepté dans un dessin animé)...<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> J'ai mis ce texte dans la rubrique "Nouvelles" mais il irait mieux dans celle des contes, car mes animaux "parlants" etc.... ont leur comportement à eux. Tu le comprendras davantage à la fin<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> <br />
S
<br /> <br /> Bonjour Mirélie,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Quel touchant passage dans ton histoire avec cet élan qui contre sa nature, porte assistance à un prédateur. Très joli et très émouvant.... Pardon de ne pas être venue ces derniers jours, mais<br /> j'ai eu quelques soucis qui m'ont perturbée. Je te fais de gros bisous.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonne soirée,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Sandra<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Touchant ? Euheuheuh.......... bien sûr, tu as tout à fait raison<br /> <br /> <br /> Par contre l'avenir nous réserve bien des surprises.... Un peu comme dans la vie, parfois !!!<br /> <br /> <br /> Ne t'excuses pas Sandra, on a tous nos soucis et nos occupations<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> Bonjour Mirélie,<br /> <br /> <br /> Très touchante rencontre de ce loup fou et de cet élan...<br /> <br /> <br /> Si seulement l'homme pouvait copier ce genre de comportement...<br /> <br /> <br /> L'élan va lui trouver quelque chose... j'ai confiance... lol<br /> <br /> <br /> Bonne journée. Bizzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Bonjour Abeille 50, j'écris tout à fait spontanément et rapidement. En fait, et à postériori, je pense mettre beaucoup de mes expériences vécues là dedans et aussi beaucoup de souhaits utopiques<br /> : le puissant élan qui sauve le pauvre petit loup maladroit !!!!<br /> <br /> <br /> Bizzzzzzzz<br /> <br /> <br /> <br />