HUGH, le pilote de la Royal Air Force - Nouvelle
qui je l'espère vous fera changer d'avis
Hugh se sent mal, très mal. Ses avants bras crispés sur le manche de pilotage ne sont que douleurs et crampes. Les vibrations s’intensifient, le moteur a atteint son plein régime et l’a même dépassé. Il ne va pas pouvoir tenir encore longtemps ce rythme infernal. Sa vision se brouille, ses yeux essaient vainement de distinguer l’ennemi au travers d’un masque de buée recouvrant ses lunettes. Et, encore, heureusement qu’il les a, ces lunettes, sinon, cela ferait bien longtemps que ses yeux seraient attaqués par toutes les agressions de l’altitude. Tout à l’heure, un oiseau (évidemment, il n’a pas pu voir lequel) est venu s’écraser sur sa carlingue. Par chance, il ne s’est pas fracassé contre son cockpit lui faisant éclater le verre dans la figure et les yeux.
Il a quasiment atteint les limites de sa concentration et de son épuisement.
Cela fait deux heures qu’il a décollé de sa base militaire en compagnie de son escadron de chasse. Six jeunes anglais comme lui, six as du pilotage.
Pratiquement dès le début, la chasse a commencé. La formation de bombardiers allemands escortés par les chasseurs Messerschmitt vite repérés quelque par au dessus de la Manche. Les empêcher à tout prix d’approcher les côtes anglaises. Les empêcher de lâcher leurs bombes sur le seul pays qui résistait encore, alors que ces pauvres français innocents, ces femmes, ces enfants, avaient déjà connu le pire de leurs assauts.
Deux de ses collègues ont été abattus pratiquement dès le début de la course poursuite. Et pourtant, les anglais avaient l’avantage. Ils bénéficiaient de l’effet de surprise. Ils arrivaient par derrière les chasseurs et les bombardiers allemands . Ils ont pu ainsi descendre facilement un premier Messerschmidt gris foncé, et cela au bout de quelques minutes seulement. Alors, ils se sont tous sentis d’une force et d’un pouvoir incroyables.
Ils se sont sentis des ailes, c’est bien le cas de le dire, nos pilotes de la Royal Air Force. Ils sont devenus quasiment euphoriques. Ils ont virevolté, tangué, filé, glissé, se sont retournés, ont plongé, piqué, sont vivement remontés. Ils ont pris des risques inconsidérés et exécuté des figures incroyables et inimaginables. Frank et Johnny faisaient partie de ceux-ci. Ils ont été abattus en premier.
Frank qui poursuivait un Messerschmitt au pilote particulièrement audacieux, un pilote qui tenait plus du kamikaze que du pilote classique, un pilote qui allait entraîner Frank dans une course de folie, relevant plus du fantastique de la normalité. Frank a tout essayé, il a poursuivi le chasseur allemand le plus longtemps possible, il a évité pratiquement tous ses tirs, il s’est dérobé au dernier moment, a filé à une vitesse inouïe, a bien failli percuter Johnny, aperçu juste au dernier instant. Et, finalement dans un retournement plus insensé que jamais, il n’a pas pu redresser, il a filé vers le sol à une vitesse prodigieuse, l’empennage en premier, il s’est écrasé.
Johnny distrait par cet accident, et ensuite effondré par la mort de son partenaire, a du vite se ressaisir. Deux chasseurs de la Luftwaffe à ses trousses, pas un mais deux, un gris comme le premier et un entièrement noir. Le noir paraissait encore plus agressif que le gris. Johnny ne voyait aucune issue, il ne pouvait compter sur aucun autre pilote, ils étaient tous bien trop éloignés. Il a effectué plusieurs tirs, Johnny et ils ont tous été inutiles. Il avait beau essayer de se contrôler, mais lutter à un contre deux avec de tels moyens d’attaque, il savait bien que c’était perdu d’avance. Quand la cible du chasseur allemand a été atteinte, quand son fuselage s’est embrasé, quand il a commencé à piquer, il s’en doutait déjà, Johnny. Il a prié, il est tombé, il s’est écrasé.
Après, les assauts des chasseurs allemands ont été moins efficaces. Allez savoir pourquoi ? et pourtant ils étaient plus nombreux, mais les anglais étaient si doués, si mobiles si rapides, si parfaitement efficaces.
Le ballet macabre se poursuivait dans un ciel gris plombé. Ces oiseaux terrifiants de rapidité et de cruauté continuaient leur course incessante, jusqu’à atteindre, sans doute, la panne de carburant.
Ca fusait, filait, transperçait le ciel gris comme une lame acérée. On aurait dit que des coups de sabre entaillaient le ciel immanquablement, on aurait dit qu’ils essayaient de le découper ce ciel, de le partager, comme pour en donner une partie à chacun. Mais ce découpage était si désordonné, si frénétiquement rapide, qu’il faisait aussi songer aux éclairs zébrant le ciel et pourvoyeur de foudre et d’incendie.
Depuis quelques jours, la guerre était dans l’air, dans les cieux et pas sur terre. Cette bataille aérienne allait durer quatre mois, de juillet à octobre 1940, la bataille d'Angleterre commençait. Quelques hommes seulement y prenaient part aujourd'hui, juste quelques uns. Il s’agissait d’hommes particulièrement courageux et efficaces qui ne rataient pratiquement jamais leur objectif. C’était à coup sur, le pilote de la RAF ou bien celui de la Luftwaffe qui en sortirait vivant mais jamais les deux.
Hugh se souvenait de leurs entraînements, bien avant la guerre. Il avait toujours rêvé d’être pilote, de tout voir d’en haut, et surtout d’être un pilote de chasse, un as du pilotage, le pilote qui vit à 100 à l’heure, l’homme qui est toujours dans l’excès d’adrénaline, qui ne peut vivre que pour cette passion, pour ce stress choisi et pour lui essentiel. Que la vie serait triste s’il ne pouvait pas exercer ce métier qu’il adorait ! Les moments d’études avaient été quelque peu fastidieux, il n’aimait pas trop apprendre, Hugh, mais, pour sa passion, pour piloter un Spitfire, il aurait fait n’importe quoi. Alors, il avait étudié à fond, donné le meilleur de lui-même, et il s’était profondément éclaté dans les entraînements. En peu de temps, il était devenu l’un des meilleurs pilotes de sa section. Lui, qui rechignait en classe quand il avait dix ans, là, il avait avalé des centaines d’heures de cours de pilotage.
En ce moment, par contre, depuis que ses deux collègues avaient touché le sol, il n’était plus si heureux en vol. Il n’avait plus le choix maintenant, mais il aurait préféré être déjà rentré. Il pensait à Katleen, il se disait qu’il était sans doute probable qu’il ne la revisse plus. Il commençait à douter de son choix précédent. Il se voyait soudain, au sol, en train d’instruire des élèves officiers. L’exaltation ? Non, mais la sécurité, la vie qui continue, oui. Il venait d’avoir un petit moment de calme, Hugh, quelques instants pendant lesquels, les Messerschmitt étaient assez éloignés, pour lui permettre de réfléchir. Et c’est curieux comme pendant ce temps là, immédiatement son esprit s’était mis à vagabonder, à partir, ailleurs, chez lui, dans la région de Stanford, en pleine campagne. Il revoyait la maison de ses parents, il se revoyait aussi sur sa première SpeedTwin rouge vif emmenant Katleen promener au bord de la mer. Il devenait tout à coup nostalgique de cette période heureuse où lui était élève officier et elle une jeune étudiante en médecine. Ils ne connaissaient pas leur bonheur à l’époque. Lui croyait que le pilotage était un jeu avant d’être un métier qui tue. Il revoyait les peupliers sur le bord de la petite route conduisant à la maison de Katleen.……….
Vroum Vroumm…….. Ca y est ! Les Messerschmitt revenaient. Il allait falloir recommencer à se battre, à se faufiler, se glisser, cisailler le ciel. Attention, on repart ! Accélération, le Spitfire semble plus léger que l’oiseau, Il transperce le ciel à une vitesse prodigieuse. Ecart à droite, écart à gauche, plongée, pour éviter les tirs des mitrailleuses allemandes. Retour en contre plongée, accélération pour se redresser, nouvel écart, gauche, droit, gauche, en bas, à droite, en haut. Le chasseur allemand rouge (est ce celui du Baron du même nom) autre période autre nom, ou bien son fantôme ? ne le lâche plus désormais. « Bon dieu », pardon ! « My God » ! Que ce pilote est doué ! Il n’en a jamais vu d’aussi habile Hugh et pourtant il en a expérimenté des pilotes depuis trois années qu’il la fait cette guerre du ciel. Il a beau tout essayer Hugh, il est d’abord légèrement touché sur le bord d’une aile, cela le déséquilibre un petit peu au début, mais vite il redresse et ça va, il peut continuer. Pas trop de mal, mais bon, il va bien falloir qu’il arrive à passer derrière ce fichu pilote allemand. Il ne doit plus rester devant lui. Il tente un virage brusque à gauche, mais impossible, déjà un autre chasseur allemand sur sa gauche, il tente un virage à droite et là, c’est le chasseur rouge qui est déjà là, il essaie de monter, de tourner, impossible de les lâcher, ils le suivent sans arrêt. On dirait qu’ils pressentent la direction qu’il va prendre. Encore un tir, raté celui là, puis un autre encore raté. Hugh essaie bien lui aussi, mais il a tant à faire pour éviter les deux Messerschmitt qu’il a bien du mal. Un tir encore, cette fois son empennage est touché. Fini. Là, il ne pourra pas s’en sortir. Il commence sa descente. Adieu Katleen et ma douce Angleterre……….
« Peter, come here. We are going to eat. »
“ Mum, I’d’like to finish my book, now.”
“No, You can’t, You’ll finish it this afternoon.”
“Peter, viens, nous allons manger”
« Maman, je préfèrerais d’abord finir mon livre »
« Non, tu ne peux pas. Tu le finiras cet après midi »
Michèle Durand
20 Novembre 2009