Jeu d'écriture - Les mains de marcello

Publié le par Mirélie

Voici ma participation au jeu d'écriture d'ENRIQUETA
si elle veut bien accepter ma participation légèrement "décallée", limite hors sujet

"ELOGE DES MAINS"


Delia avait du mal à ne pas regarder ses mains. Les mains de Marcello ! Une pure merveille de finesse, d’élégance et de distinction.

Ils dînaient tous deux dans un petit restaurant italien que Marcello connaissait bien. Marcello était italien, un bel italien au teint mat, aux cheveux sombres, presque noirs et aux yeux si foncés et perçants, que, s’il n’y avait eu ses mains, Delia n’aurait vu qu’eux. Les yeux et les mains de Marcello, voilà ce qui captait toute l’attention de Delia, ce qui pratiquement l’hypnotisait .

Evidemment, quand Delia avait rencontré Marcello, c’est tout d’abord ses yeux qu’elle avait remarqués. Il faut dire qu’elle n’avait pas eu grand mal car au milieu de la foule de cette soirée de vernissage , Marcello la dévorait des yeux.

Il s’était approché d’elle et l’avait abordée directement, sans détour aucun, à la manière de l’italien qu’il était, sûr de lui et de son charme.

- Bonsoir Mademoiselle. Marcello, un ami du peintre.

- Bonsoir Monsieur, moi, c’est Délia. Je suis invitée par la Direction de la Culture de la ville. Ils m’invitent à toutes leurs expositions depuis que j’ai un tant soit peu tenu un pinceau, vous savez.

- Que pensez-vous de ce tableau, Mademoiselle ? L’auteur est mon ami, vous savez, mais il ne faut quand même pas vous gêner pour me donner votre avis. Moi, je vous l’avoue de suite, je ne l’aime pas du tout. D’ailleurs, je n’aime plus ce que fait Bertrand, maintenant.

- Me tendez vous un piège, Monsieur, en affichant si délibérément votre avis ?

- Mais pas du tout, Mademoiselle, je ne vous dis que la stricte vérité. Je n’ai pas pour habitude de mentir.

- Alors, s’il en est ainsi, je vous dirais que moi non plus je n’aime pas ce genre de peinture. Puis je vous dire le pourquoi de ce désamour, Monsieur ?

- Bien sûr, Mademoiselle.

- Je n’aime pas la peinture dénuée d’émotion, et là, je trouve que le peintre a fait plus dans l’innovation et le conceptuel que dans la recherche d’une émotion.

- Je pense exactement la même chose, Mademoiselle. Moi aussi, je suis à la recherche d’émotion dans l’art et en ce moment je suis souvent déçu par les créations modernes, tant en musique, qu’en peinture ou en photographie. Au prix de la création originale et rare, l’émotion est sacrifiée.

Delia et Marcello avaient ainsi continué leur conversation. Ce soir là, Delia avait littéralement été sous le charme de sa voix et surtout de ses yeux qui l’envoûtaient presque. Elle n’avait pas du tout eu l’impression qu’il s’agissait là de quelque chose d’intentionnel de sa part. Elle ne sentait pas qu’il essayait de la séduire. Non. Cela avait l’air tout naturel pour lui, une sorte de charme quasi inné, sans doute normal pour un italien.

Au terme de cette soirée, ils avaient décidé de se revoir. Et c’est donc, dans ce petit restaurant italien qu’ils se retrouvaient pour la deuxième fois.

Et ce soir, alors que Marcello lui parlait de son pays, de son métier, journaliste et écrivain, de ses goûts, elle ne voyait plus que ses mains.

Ses mains qui s’agitaient devant lui, et qui suivaient le rythme de sa conversation, tantôt très agitées quand sa voix s’élevait et devenait plus passionnée, et tantôt plus apaisées, flottant légèrement au dessus de la table quand il parlait de la mer adriatique et du soleil se levant  sur elle. Quand Marcello évoquait Pescara, son village natal des Abruzzes, quand il parlait des immenses plages de sable doré et de la tranquillité du lieu, ses mains voltigeaient lentement, elles semblaient tournoyer dans l’air et planer au dessus de leurs assiettes.

Delia voyait le sable fin de l’immense plage, les transats pour le repos des touristes, les grands parasols végétaux à l’ombre si agréable. Elle imaginait Marcello à moitié nu allongé sur l’un deux, ses mains délicates tenant un livre passionnant devant ses yeux. Elle avait envie de se retrouver là bas. Elle s’y voyait déjà.

Les mots de Marcello l’emportaient déjà, les yeux de Marcello la projetaient très loin et les mains de Marcello la caressaient déjà.

Jamais de sa vie, Delia n’avait autant été sous le charme de deux mains. Deux mains, si claires, d’abord, alors que Marcello avait le teint si bronzé. Déjà, leur clarté leur conférait une originalité, un caractère propre, une certaine autonomie, qui faisait que l’on avait l’impression qu’elles étaient quasiment indépendantes du corps auquel elles appartenaient. Ensuite, leur extrême finesse, la longueur de leurs doigts, leur agilité, leur souplesse et leur excessive mobilité, la fascinaient totalement.

Alors que Marcello respirait l’aisance, la force et la bonne santé, ses mains montraient une certaine fragilité, comme une sorte de faille dans leur constitution et leur comportement.

Delia se disait qu’elles pourraient très facilement se briser ou se casser si un jour il avait un quelconque accident, tant elles avaient l’air faites de verre fragile, tant leurs jointures souples et déliées avaient l’air de ne tenir que par un fil.

Marcello avait des doigts et des mains d’artiste, de pianiste peut-être, ou bien d’écrivain. Mais, cela n’était pas étonnant, puisque justement il était écrivain.

Les mains de Marcello empêchèrent Delia de ressentir la faim avant de se mettre à table, elles l’empêchèrent, tout aussi bien, de voir que son verre restait plein, les mains de Marcello la perturbèrent au point de ne pas remarquer que le repas arrivait à sa fin. Et quand, elle le réalisa, elle se dit – Pourvu que je le voie demain ! Pourvu que je revois ses mains ! Que demain est si loin !

Le lendemain, Delia ne put revoir Marcello. Elle essaya de le joindre au téléphone mais n’y parvint pas. Elle essaya plusieurs jours durant vainement.

Elle était si anxieuse, elle avait tant envie de le revoir, lui et ses mains, qu’au bout de quelques jours, elle décida d’appeler Bertrand pour demander de ses nouvelles. Elle ne savait même pas où Marcello habitait.

Bertrand lui répondit : - Je ne savais pas que vous connaissiez mon ami, Mademoiselle. Enfin, je dis mon ami, je devrais plutôt dire qu’avant il était mon ami, parce que maintenant, avec ce qu’il a fait, il ne peut plus en être question du tout.

- Mais que se passe-t-il, Bertrand ? Pourquoi me dites vous cela ?

- Il m’est vraiment difficile de vous dire cela par téléphone, Delia, je vous connais à peine.

- Mais que me cachez-vous donc, Bertrand ? Parlez, dites moi ce qu’il y a.

- Il y a que Marcello a tué sa femme, Mercredi soir. Il l’a étranglée. Il était fou de jalousie car elle le trompait. Le lendemain, il est allé se livrer à la police.

- Quoi ? Marcello ? Les mains de Marcello, étrangler sa femme ?

- Allo, Allo, Delia ! Allo, Delia, répondez

Delia venait de raccrocher, elle tomba assise par terre et se mit à pleurer et à sangloter sans s’arrêter.

 

Michèle Durand

21 Janvier 2010

 

Publié dans Jeux d'écriture

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
<br /> c'est une belle histoire, bravo c'est bien écrit!<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> merci Fransua<br /> Bisous<br /> <br /> <br />
J
<br /> venant chez toi par le biais de Roselyne, amateur de mots et de rimes, je t'invite chez moi quand tu veux, chaque mardi je publie un de mes poèmes; à bientôt , donc, j'espère .<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> D'accord ! Mais tu ne me dis pas ce que tu penses de mon texte ?<br /> Bisous et à bientôt<br /> <br /> <br />
S
<br /> Bravo pour cette chute surprenante : je serais restée jusqu'au bout sous le charme de ces si belles mains !<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> merci Sandra.<br /> Je viens te visiter dès que j'ai un peuplus de temps<br /> Bisous<br /> <br /> <br />
L
<br /> Bonsoir Mirélie<br /> <br /> Captivée ! Ton histoire est sublime !<br /> MERCI pour ce très joli texte, vraiment ! et BRAVO à toi !<br /> Bises et belle soirée, Lyly <br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> Merci beaucoup pour ces compliments enthousiastes, Lyly<br /> Bisous et bon dimanche<br /> <br /> <br />
É
<br /> J'ai adoré ton histoire. Je voyais les mains qui racontent et qui caressent. La chute m'a surprise. Bon week-end, Mirélie !<br /> <br /> <br />
Répondre
M
<br /> J'aime faire des chutes surprenante et j'ai choisi le contre pied de ce que demandait Enriqueta<br /> Bisous et à +<br /> <br /> <br />