VARIATIONS AUTOUR DU COEUR

Publié le par Mirélie




Bing, bang bang bang, bing bang bang, bing bang bing bang bing bang bang bing bang bing … je flanche, je trépide, arythmie, fibrillation auriculaire, je pompe mal, je craque.

Je suis le noyau, je suis le pivot, je suis au centre, je suis le moteur de tout l’ensemble.
Sans moi, tout s’écroule, sans moi, plus rien ne fonctionne, sans moi, tout s’embrouille.

Au secours ! Au secours !Vite que l’on me répare. Vite que l’on vienne me soutenir. Mes artères saturent, mes orifices se bouchent, mes valves capotent, un corps étranger vient boucher mes entrées, un gros caillot fonce vers moi.

Pimpon, pimpon, pimpon, pimpon, les pompiers sont là. Le Samu aussi et en route pour l’hôpital.
Déjà dans le véhicule sanitaire, tout est mis en branle pour me sauver, car sans moi, je ne donne pas cher de la vie de mon hôte. Le masque à oxygène sur la bouche, il ne respire presque plus, ses poumons agonisent, et sa vie ne tient qu’à un fil.

Je suis en son centre. J’ai une importance flagrante et si évidente. Je ne me prends par pour rien. J’en deviens presque prétentieux. Je suis si important, si essentiel, si prépondérant. Pour moi, on va tout essayer, pour un cœur, on va tout tenter. Même de me changer. Horreur ! Mais, je ne veux pas que l’on me change. Je veux rester. J’entend rester l’unique, le seul à fonctionner. Je ne veux pas d’un autre, d’un ersatz, d’un qui arrive d’ailleurs, d’un autre corps que je ne connais pas.

Moi, je sais où j’habite. Que ferait mon hôte d’un cœur étranger, d’un cœur qui pourrait provenir d’un jeune loubard ou d’une droguée, ou même de quelqu’un de tout à fait normal, mais tout simplement étranger ? Et, l’on sait bien que l’on n’aime pas les étrangers, surtout pour les recevoir dans son corps !!!

Alors, on va dire qu’il faut me ménager, que mon hôte doit prendre soin de moi, qu’il doit avoir une bonne hygiène de vie et pratiquer le sport, il ne doit pas trop me fatiguer par des excès de graisse ou de glucides, il ne devrait pas fumer, et il devrait bien dormir, car le sommeil répare. Mon hôte, aussi, doit éviter les stress et les contrariétés. Comme ça, paraît-il, il évite de me fatiguer. Mais, m’a-t-on, une seconde, demandé mon avis à moi ? Sait-on vraiment ce qui me contrarie ?

C’est drôle parce qu’avec ma prévalence, certains ne se rendent pas vraiment compte de l’importance que je revêt. Et l’on s’amuse à me vulgariser, moi, le centre du monde ! On ose s’amuser de moi, ironiser à mon sujet et l’on va jusqu’à se moquer. Quand un homme est volage, on dit qu’il a un « cœur d’artichaut ». Comment oser dire une chose pareille, moi qui aie tant d’importance ? M’associer à un vulgaire légume, un artichaut commun ? Quelle horreur ! C’est me rabaisser,   me ridiculiser, me « communiser » moi si exceptionnel ! Si impérativement nécessaire !

Et que dire du « cœur de pacotille » ? Encore pire que la précédente comparaison ! La pacotille : le faux, le pas vrai, la pâle copie du réel et du beau ! Moi, associé à la pacotille ? J’enrage, je fulmine, je trépigne ! Pas étonnant que, pour le coup, je m’emballe, je change de rythme, et que j’entraîne tachycardie et autres troubles du rythme. On se moque de moi, alors il faut bien que je montre que je suis là et que je m’en aperçois !

Ne me parlez pas non plus du « cœur de pierre ». Qu’est ce que c’est ça, un cœur de pierre ? Vous en avez déjà vu, vous des cœurs de  pierre. On dit aussi, il a une pierre à la place du cœur. Imaginez, ne serait-ce qu’une demi seconde ce que ferait une pierre à la place de votre cœur ? Rien que le poids, par exemple. Une pierre, ça pèse tellement lourd, ça écraserait tout ce qui est en dessous, et puis pour faire circuler le sang, pour pomper efficacement, franchement, il y a cent fois mieux : MOI.

J’ai oublié une autre expression complètement loufoque : elle est sans cœur. Essayez un peu pour voir. Sans cœur, vous allez tenir combien de temps ? Sans cœur, vous n’aurez ni l’occasion de penser cette expression, ni l’occasion de l’écrire, ni de la dire. Sans cœur, ce n’est même pas envisageable, même pas concevable.

Alors, pourquoi, m’associer à tous ces mots ridicules ? Laissez moi tranquille. Arrêtez de m’acoquiner à tout un tas de mots aussi stériles qu'inutiles. Laissez ces mots où ils sont, laissez les dans leur contexte. Ne me les coller plus aux basques s’il vous plait, car sinon, je recommence, bing, bang, bang, bang, bing, bing, bang, bung bung (là je déraille grave, mais c’est de votre faute, vous m’y avez poussé……)

Il n’y a qu’une association que je tolère, qu’un mot auquel j’accepte d’être collé, c’est le mot « resto » : « restos du cœur », ça, ça me botte, ça me plait, je suis pour et je le proclame.

 

Michèle Durand

8 Décembre 2009

 

 

Publié dans nouvelles

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S
<br /> Une musique ce texte ! Très fort en sonorités et en jeux de mots et un rythme fou ! Tiens, j'en ai des palpitations !<br /> <br /> Bisous et bonne soirée,<br /> <br /> Sandra <br /> <br /> <br />
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M
<br /> Ma réponse d'hier n'est pas partie. Il s'agit là du texte que nous travaillons et allons donner en spectacle avec mon groupe de parole en public. A 7 ou 8, ça déjante "grave".............<br /> Bisous<br /> <br /> <br />
E
<br /> Ou! Pensons à notre coeur! Ecoutons-le!<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Je te lis et je suis émerveillée à chaque fois. J'aime énormément ce texte où on sent combien tu as " du coeur " . Merci de ce nouveau partage. Ce très beau texte serait à soumettre aux restos du<br /> coeur tant il est beau. Je t'embrasse.<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Merci Roselyne de l'idée de soumission de mon texte et bisous<br /> <br /> <br />
D
<br /> bonsoir Mirélie<br /> une lecture qui fait plaisir<br /> beaucoup de talent tout s'emboite très<br /> joliment bravo une belle écriture<br />  gros bisous douce nuit<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Bonsoir Didier René, je m'essaie à un tas de styles différents<br /> Merci et à +<br /> Bisous<br /> <br /> <br />
E
<br /> Ecrire un commentaire je voudrais bien ! Mais je sens mon coeur battre si fort que<br /> je préfère te dire que tu as touché juste ! Oui il faut le ménager ce coeur ! Et dire<br /> aussi merci à ceux qui acceptent les dons d'organes et permettent ainsi à d'autres<br /> de retrouver une vie plus normale .<br /> Maintenant j'ai le coeur léger car tout bien réfléchi quelle chance d'étre en vie !<br /> Profitons-en !!!<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Au début de mon texte, je suis partie sur une idée et en fait je suis arrivée ailleurs... Ca, c'est quasiment magique dans l'écriture, toujours l'imprévu,  à condition toutefois d'écrire vite,<br /> très vite, et je pense que l'inconscient alors guide la main à notre insu <br /> Au milieu de mes soucis, je me dis "quelle chance d'avoir l'écriture pour alliée !!!"<br /> Bisous<br /> <br /> <br />